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« Je suis une âme qui parle », Jules Supervielle

09/06/2020

« Je suis une âme qui parle », Jules Supervielle

Pour lire ou relire et écouter le poète franco-uruguayen Jules Supervielle

Cette année-là, en classe de sciences, le programme de français comportait deux œuvres : un extrait des Essais de Montaigne et un livre d’un poète dont je n’avais jamais entendu parler : Les Amis inconnus, par Jules Supervielle. Supervielle … nom véritablement flamboyant pour un homme dont je devais découvrir plus tard qu’il était tout de discrétion, tant dans son style que dans sa vie.


Né de parents respectivement basque et béarnais, Jules Supervielle voit le jour à Montevideo en 1884. 


Je naissais, et par la fenêtre
Passait une fraîche calèche

 

La capitale uruguayenne possède un monument qui célèbre Supervielle et deux autres grands poètes français qui, étonnamment, y sont également nés : Isidore Ducasse, comte de Lautréamont, et Jules Laforgue.

 

Orphelin très jeune, Jules Supervielle est élevé par son oncle en Uruguay, puis il vient faire ses études à Paris. Il épouse en 1907 une Uruguayenne, Pilar, dont il aura six enfants. Il publie Débarcadères en 1922, puis Gravitations en 1925. La même année, il entame une correspondance avec Rilke qui durera jusqu’à la mort prématurée du grand poète autrichien, en décembre 1926. 


« Vous possédez, il me semble, le secret des grands constructeurs : la nuance »

Lettre de Rainer Maria Rilke à Jules Supervielle, 1925.

 

Depuis 1923, il s’est lié avec le jeune Henri Michaux, amitié singulière si l’on songe à la différence radicale de style entre les deux poètes. Michaux lui dédie une section de son premier et percutant recueil, Qui je fus (1927). Ils voyageront ensemble en Amérique du Sud et resteront liés jusqu’à la mort de Supervielle en 1960.


D’autres livres suivront : roman, Le Voleur d’enfant (1926) ; poèmes, Le Forçat innocent (1930), La Fable du monde (1938) ; nouvelles : L’Enfant de la haute mer (1931) ; pièces de théâtre. Le recueil Les Amis inconnus date de 1934. Supervielle y exprime peut-être l’essence de son art. Convoqués dans une langue élégante, mais sans artifice, les fantômes de son cœur fragile et les animaux de deux mondes y défilent, surgis des pays extérieurs ou des contrées du dedans.


Mémoires des poissons dans les criques profondes,
Que puis-je faire ici de vos lents souvenirs,
Je ne sais rien de vous qu’un peu d’écume et d’ombre
Et qu’un jour, comme moi, il vous faudra mourir.

 

Installé à Montevideo pendant la seconde guerre mondiale, Supervielle revient à Paris en 1946.  Son ami le poète libanais Georges Schehadé écrit un émouvant Portrait de Jules en 1954.

 

Nul n’a mieux que toi secoué les prunes de l’arbre de poésie
Ô poète familier …

 

Jules Supervielle est sacré Prince des poètes en 1960 et s'éteint peu après, le 17 mai.


Claude Roy lui dédie en 1966 un volume des Poètes d’aujourd’hui, chez Seghers. Édité en 2002, un CD de la collection Poètes & chansons permet d’écouter certains de ses textes, mis en musique et interprétés par Julos Beaucarne et Martine Caplanne, entre autres.


Évoquant cette belle collection de CD, qu’on peut écouter aujourd’hui chez certains fournisseurs de musique en ligne, je saisis l’occasion du présent article pour la recommander à l’attention du lecteur-auditeur. Outre le Supervielle, les albums consacrés à Gérard de Nerval et à Saint-John Perse sont de grande qualité. Celui dédié à René-Guy Cadou, où l’on retrouve Martine Caplanne et l’excellent Morice Benin, est une pure merveille.